Article des DNA du 26 janvier 2015
Samedi soir, en la salle polyvalente de Wihr-au-Val, a eu lieu le traditionnel concert de gala de l’Echo de Turckheim placé sous la direction de Patrick Poretti.
Patrick Poretti a le grand talent d’avoir non seulement une force de persuasion qui sort de l’ordinaire, sachant en effet convaincre ses musiciens d’aller au-delà d’eux-mêmes dans la pratique instrumentale, mais, en même temps, il sait littéralement « forcer le destin » en les motivant de cheminer toujours et toujours vers une « certaine idée de la musique » ! C’est cela qu’on aura constaté samedi à travers l’éblouissante interprétation de l’ouverture « La forza del destino ». Du grand art, du grand Verdi !
Une interprétation grandiose comme du cousu main tellement cette adaptation pour orchestre d’harmonie colle à la partition originelle.
Verdi ! Celui qui n’avait de cesse d’illustrer le combat permanent, héroïque et inégal de l’homme et les forces adverses, ce qu’on appelle communément le destin ! Un destin pas toujours imposé mais forcé de par l’inconscience humaine, tel dans la « Force du destin », ce coup de feu qui tue le père de Leonora (dans l’opéra bien sûr). N’a-t-on pas cru entendre, l’autre soir, ce coup de revolver, quelque part dans cette page magistrale ?
Et Waldteufel ! Contrairement à l’affirmation de la présentatrice (Rachel Zimmermann), ce Strasbourgeois d’origine badoise n’a jamais été oublié mais, bien au contraire, toujours joué, notamment par des harmonies du secteur : l’Harmonie St-Martin de Colmar du temps d’André Wiss, la St-Jean de Soultzbach grâce à l’impulsion de Joseph Hurk (années 50/60). Et ces derniers temps, sa suite de valses « Espana » (inspirée d’E. Chabrier) présentée magistralement samedi, semble avoir la cote ! En effet, ne l’a-t-on pas entendue lors du Neujahrskonzert de Vienne et, dernièrement à Breitenbach, sous la baguette de Hubert Wené, qui en donna une excellente version avec ses musiciens de Griesbach.
Au programme encore de cette première partie, Astor Piazzolla né le 11 mars 1921 et décédé le 5 juillet 1992, celui qui n’a jamais voulu qu’on lui mettât l’étiquette d’un « simple auteur de tango », mais qui eut de tout temps l’ambition d’être reconnu comme musicien classique. Ancien élève de Nadia Boulanger à Paris, de Hermann Scherchen en Allemagne (chef et théoricien de la direction d’orchestre), Piazzolla fut non seulement chef d’orchestre lui-même, mais également l’auteur d’une quantité de pièces très sérieuses, telles symphonies, d’une Sinfonietta, ou encore d’un « concerto pour violoncelle et orchestre » créé en 1981 par Rostropovitch ! Son célèbre « Libertango » fut, de toute façon, présenté d’une délicate et nerveuse façon, avec des effluves très sensuels, ce qui sied à merveille à ce genre de musique…
Ayant débuté par l’inamovible « Entrée des Gladiateurs » de Julius Fucik, morceau d’anthologie dans le domaine de la marche, cette partie s’acheva par une étonnante « Vallflickans Dans » de Hugo Alfvén (1872-1960), musicien suédois trop méconnu mais dont le souvenir reste vivace en son pays, auteur d’une centaine d’œuvres (profanes et religieuses) ; violoniste et peintre, son talent de coloriste (reconnu) se retrouve dans sa musique, voulant toujours faire « une musique en peinture » et « une peinture en musique », ces deux arts s’imbriquant chez lui d’une singulière manière. Ce qu’on aura ressenti dans cette superbe œuvre ce soir-là, pièce pleine de vitalité, d’une recherche d’ambiance, de timbres mettant en exergue – et à rude épreuve- le pupitre des clarinettes qui s’est révélé absolument époustouflant, d’une vélocité ravageuse. Une grande leçon de virtuosité.
Profitant d’une pause, le président Jean-Marc Meyer tint avant tout à souhaiter la bienvenue à cette masse d’amis inconditionnels, dont le maire de Turckheim Baiduf accompagné de son premier adjoint Benoît Schlussel, Geneviève Tannacher, première adjointe de Wihr-au-Val, les responsables d’associations, Claude Ertle, vice-président de l’Union Départementale des Sociétés de Musique, souhaitant à tous une année ensoleillée ; il parla longuement des bénévoles qui œuvrent toute l’année dans l’ombre, rendant hommage à Thierry Schreck pour la création du nouveau site de la Musique Municipale.
Il profita de l’occasion pour évoquer les 30 ans de direction de Patrick Poretti disant que « nos prédécesseurs avaient vu juste en faisant le bon choix… » (M. Poretti avait été nommé chef de musique après la démission de son prédécesseur qui avait jeté l’éponge !).
Enfin, en seconde partie, cette phalange de musiciens quasi professionnels jouant sous le label « Harmonie Municipale Echo de Turckheim », s’était lancée dans une joyeuse ronde un tantinet plus moderne avec, entre autres, « Sacri Monti », « Laubener Schnellpolka »… un sacré déferlement de notes. Une sacrée soirée !
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